De l’alevin d’esturgeon à la dégustation du caviar, une belle aventure en Aquitaine 1er épisode |
2019 déc
24
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Tout a commencé par un concours à l’Ecole Ferrandi de Bordeaux. Seize élèves en 2ème année de Bachelor répartis en 8 brigades se sont ainsi affrontés pour sublimer le caviar d’Aquitaine en réalisant trois recettes d’entrées sur les thèmes : végétal, poisson et viande soit 24 plats, et oui on n’a pas des vies faciles… Nous les avons jugés sur le choix des ingrédients, les quantités et l’équilibre autour du caviar, l’harmonie des saveurs, la maîtrise des techniques et des fondamentaux, la mise en valeur du caviar et aussi sur l’élégance de l’assiette.
Bravo aux organisateurs qui ont mis en place un jury où la parité était respectée. Au lendemain du championnat du monde de pâté croûte le salé était une fois encore à l’honneur et ça fait du bien d’oublier un peu les gâteaux !
Le jury de gauche à droite : Thierry Daugeron responsable opérationnel à l’hôtellerie restauration au Campus du Lac Ferrandi, Bordeaux, Amandine Chaignot Chef à Pouliche Paris, Anne Luzin, directrice des publications des Editions de la RHF, Ronan Kervarrec** de l’Hostellerie de Plaisance à Saint-Emilion, président de cette première édition, moi-même et Laurent Dulau directeur général de Caviar Sturia.
Et pendant ce temps en cuisine on s’active ..
Mais venons-en au thème de ce billet, le cycle de l’esturgeon et le fameux caviar d’Aquitaine. J’ai eu plusieurs fois la chance d’apprendre à déguster le caviar d’Aquitaine lors de divers salons comme Agecotel à Nice ou le SIRHA à Lyon. J’avais même à l’époque chroniqué mes expériences à France Bleu Pays de Savoie pendant 3 jours et depuis j’avais très envie de visiter les sites de production et d’approfondir cette belle aventure française. Et en tout premier, on ne le sait pas forcément, en tout cas je ne le savais pas, attention de ne pas confondre les producteurs éleveurs et les négociants. Les négociants comme Petrossian ou Kaviari sont des acheteurs de caviar en gros qui, contrairement à Sturia par exemple, ne produisent pas leur propre caviar.
Pour les curieux !
Pourquoi l’esturgeon d’élevage ? Parce que depuis 2008 l’espèce est protégée et le caviar sauvage interdit à la vente. Cela a permis le développement mondial des fermes aquacoles et de la reproduction artificielle de l’espèce avec à l’heure actuelle trois leaders mondiaux : la Chine, l’Italie et la France. Il existe plus de 24 espèces d’esturgeons mais seules deux espèces sont élevées en Aquitaine chez Sturgeon, l’A.Baerii et l’A. Gueldenstaedti ou Osciètre.
L’aventure du caviar d’Aquitaine commence à l’Écloserie de Guyenne, la plus grande nurserie d’esturgeons d’Europe. L’écloserie produit environ 250 000 alevins par an. La ferme possède 1000 géniteurs de A.baerii, 1/3 de mâles et 2/3 de femelles qui permettent de réaliser 6 à 13 cycles de reproduction par an. On féconde les œufs d’une femelle par le sperme de 10 mâles. Les opérateurs récoltent d’abord la laitance des esturgeons mâles, puis les ovocytes des femelles puis les oeufs fécondés sont mis en incubation jusqu’à éclosion. La traçabilité est totale de l’oeuf à l’oeuf. Il faudra alors attendre 3 ans pour le sexage. Les esturgeons sont passés un à un à l’échographie pour déterminer leur sexe, et oui… Incroyable non ? L’entreprise Sturgeon a d’ailleurs été la première a développer cette méthode innovante. Les mâles sont vendus pour leur chair très appréciée en Europe de l’Est (ce qui n’est pas encore le cas chez nous) ou conservés pour la reproduction, mais bien sûr toute l’attention se reporte sur les femelles et leurs précieux oeufs. Il faudra encore patienter plusieurs années pour les récolter, en effet l’élevage des Baerii est de 7 à 8 ans et celui des Gueldenstaedtii de 9 à 10 ans, il en faut de la patience.
Ci-dessus une des 7 fermes aquacoles de l’entreprise directement alimentées par des sources et cours d’eau naturellement sains. La qualité de l’eau, sa température et son taux d’oxygène sont rigoureusement surveillés et ajustés, L’eau rejetée est également régulièrement contrôlée et respecte les normes environnementales. Les poissons sont élevés à de faibles densités et les conditions d’élevage sont toujours optimales avec un impact moindre sur l’environnement.
Et leur nourriture ?
Le caviar est un produit saisonnier, la pêche s’effectue de septembre à mars et ça tombe bien car en ce mois de décembre je peux assister en direct live au tri des femelles pour déterminer si leurs oeufs sont à maturité ou pas, et c’est plutôt impressionnant. Déjà elles ont une drôle de tête non ?
Et voilà les femelles qui ont entre 6 et 8 ans en file d’attente pour la première épreuve, l’échographie. Certaines ne sont pas prêtes, elles n’ont pas encore d’oeufs, elles repartent direct dans les étangs non sans avoir été vaccinées, et oui, au moins elles ne sont pas sorties pour rien ! Elles repasseront sur le billard dans deux ans le temps nécessaire pour qu’elles donnent à nouveau des oeufs.
En revanche pour celles qui ont des oeufs elle ont droit à une biopsie, on les carotte (un peu comme les Comtés en cave d’affinage, c’est mon interprétation toute personnelle mais ça m’a vraiment donné cette impression) et on mesure la taille de oeufs prélevés, (c’est là aussi qu’on se rend compte que la peau du poisson est super épaisse). Si les oeufs sont trop petits, la maturité n’est pas encore atteinte, zou, les garçons, ceux sur les photos, disent « petit gris » ce qui signifie qu’il faut leur laisser une année supplémentaire pour avoir des oeufs dignes de ce nom.
Avant de renvoyer les petits gris dans leur étang on leur met du désinfectant sur le carottage pour éviter les risques d’infection. Vous pouvez voir aussi qu’il y a une balance sur le plan de travail (si l’on peut dire) donc ces belles dames pèsent parfois plus de 30 kg .
Dernière catégorie, les femelles qui ont de beaux oeufs à maturité, comme celle ci-dessus. Le préposé à la biopsie et aux mesures annonce alors « caviar » et il est temps de placer les élues dans une eau claire et de les faire jeûner quelques semaines pour qu’elles évacuent les goûts parasites. Il y aura ensuite une dernière biopsie pour contrôler le goût des oeufs. Puis, dans des cuves contenant une eau enrichie en gaz carbonique pour diminuer leur stress, elles partent directement pour l’atelier de production et il faut bien le dire pour l’abattage traditionnel. Oui je sais la mode est au No Kill mais ce n’est pas aussi neutre qu’on pourrait le croire, au contraire !
Rien ne se perd. Quand je vous disais plus haut que la peau était épaisse… Et bien elle sera transformée en cuir et le cartilage en colle…
Gros plan sur le tri…
De l’alevin d’esturgeon à la dégustation du caviar, 2e épisode | La terrine d’anchois aux herbes : la dégustation |
Intéressant. Le poisson est assommé. C’est bien car je déteste l’abattage cruel de tous les animaux.
Une végétarienne ( sauf lorsque je suis invitée. Je fais toujours honneur aux repas de mes amis et de la famille)
on prend les précautions pour éviter la souffrance mais le No Kill si vous avez lu l’article c’est pire pour consommation du produit
Super intéressant, merci
Merci !
Merci Mercotte pour ce beau reportage, j’ai appris plein de choses intéressantes que j’ignorais…
Joyeux Noël à vous et votre famille, je vous embrasse
Odile
Ps : il me tarde de lire la suite !!!
Merci Odile, moi aussi j’ai appris plein de choses et j’ai aimé les partager! Passez de belles fêtes gourmandes ! Je vous embrasse 🙂
Bonjour, Mercotte,
Très intéressant, cet article!
Du coup, cette année, j’ai acheté un petit pot de caviar français (c’est vrai que les prix ont baissés).
J’espère que vous avez passé un très Joyeux Noël, bien entourée.
J’attends la suite de l’article avec impatience!
Bonne fin d’année.
merci Clo, j’ai aussi été passionnée par cette expérience et du coup je partage avec plaisir on en apprend beaucoup je trouve ! Joyeuse fin d’année 🙂